Ce qui devait arriver est finalement arrivé. L’Armée nationale populaire, le faiseur des rois en Algérie depuis 1962, plaide donc, certes avec beaucoup de retard, à l’activation de l’article 102 de la Constitution qui prévoit la destitution du chef de l’État pour cause, entre autres, de maladie grave et durable. Et lorsque l’ANP propose quelques choses, le reste ne devra être, à priori, qu’une simple formalité car on voit mal le Conseil constitutionnel tenir tête au chef d’Etat-major, le général de corps d’armée Ahmed Gaid Salah, et refuser l’application de cet article. Il faut dire que ce scénario était attendu tant la classe politique et la société civile étaient convaincus que la solution de l’impasse dans laquelle s’est retrouvé notre pays ces dernières semaines ne pouvait être que l’application de l’article 102 de la Constitution. Et qui mieux, devant l’entêtement de Bouteflika (et surtout de son entourage) à s’accrocher coûte que coûte au poste du président en dépit des grandes manifestations qui se tiennent depuis le 22 février, que l’Armée pour passer à l’action. Avant cette annonce de Gaid Salah, que de péripéties ont été passées par l’Algérie ! Tout a commencé en effet le 10 février dernier lorsque Bouteflika annonce officiellement via un message dressé à la nation sa candidature aux présidentielles du 18 avril. Même si la décision de briguer un 5ème mandat était dans l’air, les Algériens espéraient cependant jusqu’à la dernière minute voir le présidant faire machine arrière en raison de son état de santé. En vain.
La rue rentre en action
C’est à partir de là que les citoyens ont commencé à bouger pour tenter de faire changer les choses. Par le biais des réseaux sociaux, notamment le facebook, des appels sont relayés pour l’organisation des marches contre le 5ème mandat.
Dés le 22 février, le premier vendredi des manifestations populaires pacifiques, des dizaines de milliers d’algériens sont au rendez-vous et crient à qui veut les entendre qu’il est hors de question à ce que Bouteflika se présente aux élections. Durant cette semaine, la mobilisation s’est accentuée. Le mouvement populaire a pris du poids et plusieurs catégories de la société sont impliquées pour dire Non au 5ème mandat et exprimer au passage leur ras le bol de tout le régime. Le vendredi suivant, soit le 1er mars, des marches encore plus imposantes ont eu lieu dans tout le territoire national alors que Bouteflika se trouvait depuis le 24 février dans un hôpital de Genève (Suisse) pour officiellement des « contrôles de routine ». Ne s’arrêtant pas en « si bon chemin », le clan présidentiel va encore provoquer le peuple algérien lorsque Abdelghani Zaalane, désigné tout fraichement directeur de campagne du candidat Bouteflika au lieu et place de Sellal, se présente le soir du 3 mars au siège du Conseil constitutionnel pour déposer le dossier de candidature du président sortant, au mépris des lois de la République qui exigent la présence physique du candidat en pareille circonstance.
Le dépôt de candidature, énième provocation du peuple
Pendant ce temps, Bouteflika était toujours alités à l’hôpital sans que la présidence ait daigné apporter ne serait-ce que des bribes d’informations sur son état de santé. La rue était désemparée. Les rumeurs vont bon train. Le président est décédé et se trouve dans la morgue, révèlent les uns quand d’autres sources affirment que Bouteflika se trouve dans un état comateux. Pour certains cercles, le président ne renoncera pas au 5ème mandat. Une autre partie assure qu’il va répondre à l’appel du peuple et se retirer tranquillement de la scène politique, affaibli qu’il est. La réponse à toutes ces interrogations sera donnée le lundi 11 mars. La veille, Bouteflika quitte Genève est regagne Alger, au lendemain d’une une troisième démonstration de force du peuple algérien, qui a coïncidé avec la journée mondiale de la femme. Cette fois-ci, ce sont des millions d’algériennes et d’algériens qui ont investi les rues pour réitérer leur demande. « Pouvoir dégage » résume toutes les revendications exprimées. Le chef de l’Etat plie mais ne rompt pas lorsqu’il annonce qu’il ne va pas briguer un 5ème mandat. Il décide dés lors d’annuler les élections du 18 avril, désigne Bedoui au poste du Premier ministre à la place d’Ouyahia et Ramtane Lamamra come vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères. Et surtout, il prolonge son 4ème mandat et annonce l’organisation d’une conférence nationale inclusive qui aura toutes les prérogatives de fixer une date pour la tenue des élections présidentielles. Ce n’est qu’après les résultats de ce scrutin dont il n’a donné aucune échéance même approximative que Bouteflika se retriera pour de bon.
Rejet de tout le système A peine ces annonces faites que la rue apporte sa réponse. « Non au prolongement du 4ème mandat », « Ni Bedoui ni Lamamra » ou « dégagez tous » ont été entonnés dans la soirée même de ce 11 mars. Et encore davantage le, vendredi suivant, le 4ème, qui a coïncidé avec le 15 mars. Le nombre des manifestants a été encore une fois inimaginable et les slogans ont été actualisés après l’annonce de Bouteflika de na pas briguer un 5ème mandat. Tout au long de la semaine, des manifestations pacifiques se tiennent un peu partout en Algérie et la mobilisation n’a jamais était aussi intacte. La rue ne compte nullement faire concession et le peuple semble déterminé à aller jusqu’au bout. Ça s’est confirmé le vendredi 22 mars. Chose qui a fini par convaincre Gaid Salah à choisir l’option de l’article 102 de la Constitution. Suffisant pour calmer l’ardeur du peuple ? Pas si sûr puisqu’on annonce d’ores et déjà d’imposantes manifestations pour vendredi prochain, avec un seul mot d’ordre : « dégagez tous » pour entrer dans une période de transition qui doit être menée par des personnalités crédibles.
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