« L’heure des comptes est arrivée, ainsi que le temps d’assainir notre pays de toute personne malhonnête qui s’est laissée tenter de troubler la vie quotidienne du peuple algérien par de telles pratiques (…) La lutte contre la corruption n’admet aucune limite et aucune exception ne sera faite à quiconque, quels que soient leur fonction ou leur rang social (…) Nous allons accompagner la justice et la protéger, elle doit mener à bien ses enquêtes ». Le message du chef d’Etat-major de l’armée algérienne, délivré, mardi 17 juin depuis Tindouf, vise-t-il le président démissionnaire ? Voila une hypothèse que beaucoup d’observateurs avertis osent la prendre bras le corps, contrairement à d’autres qui y voient en cette sommation du général de corps d’Armée, Gaid Salah, un sérieux avertissement à d’autres personnes dont on dit qu’elles sont intouchables (pour l’instant), à l’instar de Louh, Saidani et Tliba. Mais pour un grand nombre d’analystes, il n’y a pas assez de place au doute sur les cibles du Vice-ministre de la Défense nationale.
D’autant plus que quelques jours auparavant, soit lors de la dernière marche de vendredi, un grand nombre de manifestants ont fait part ouvertement de leur souhait de voir Abdelaziz Bouteflika poursuivi en justice du fait qu’il était le premier responsable du pays pendant 20 ans, soit la période où la corruption et la dilapidation des deniers publics ont pris de proportions à la fois alarmantes et inimaginables. Il est vrai que l’état de santé fragile et précaire de l’ancien chef d’Etat peut constituer un frein à cette éventualité, il n’en demeure pas moins que l’idée commence sérieusement à prendre forme, du moins au sein de la vox-populi qui va sans doute faire le forcing pour parvenir à ce but. Les ‘‘Mazal, mazal, mazel Bouteflika’’ (viendra le tour de Bouteflika) et ‘‘Ramenez le même dans son fauteuil roulant’’ risque de se faire entendre encore davantage au cours des prochaines marches. Outre Bouteflika, un autre homme pourrait être visé par ce message de l’homme fort du pays, estiment les analystes de la chose politique. Il s’agit de l’actuel Premier ministre, Noureddine Bedoui, dont le nom est cité dans certains dossiers (directive adressé aux walis pour instruire les P/APC de passer commande chez Cima Motors de Tahkout, falsification des signatures pour le candidat Bouteflika,…).
Toutefois, cette probabilité ne fait, semble-t-il, pas le poids du fait que la conjoncture actuelle, marquée par une crise politique sans précédent, ne peut supporter un tel scénario surtout que constitutionnellement, le Premier ministre ne peut être remplacé par le chef d’Etat par intérim, à moins d’une entorse à la loi fondamentale du pays, chose que Gaid Salah a toujours mise en garde. En affirmant donc que la justice algérienne doit mener à « bien » ses enquêtes, en déterrant « tous » les dossiers et en les traitant en toute « équité », de façon à faire comparaître devant la justice « tous » les corrompus quels que soient leur fonction ou leur rang social, le chef d’Etat-major envoie un message fort, selon lequel, nul ne sera au dessus de la loi. A-t-il convaincu par ses garanties ? Ce qui est certain, c’est que les algériens qui ont salué l’incarcération d’Ouyahia, Sellal, Toufik, Said Bouteflika et Tartag, jugeront sur pièce.
Liès Bourouis