Le Président Abdelaziz Bouteflika n’est pas pressé de rentrer au pays et son long «court séjour» helvétique se poursuit pour la 13e journée depuis qu’il a quitté le territoire national le 24 février dernier pour de simples «contrôles médicaux périodiques.»
Les fuites organisées dans la presse suisse, depuis le 6 mars, accréditaient dans un premier temps la version d’une aggravation de l’état de santé du Président qui serait «sous menace vitale permanente». Et les informations de la Tribune de Genève, reprises depuis par toute la presse nationale et internationale, donnent même de la matière aux parties qui appellent à l’application immédiate de l’article 102 de la Constitution et déclarer l’état d’empêchement du président de la République.
Secret d’état, secret médicale, depuis son déplacement, aucune communication officielle sur son état de santé n’a été fourni, ni par la partie algérienne (présidence de la République) ni par l’hôpital de Genève.
Mais avec du recul et une relecture de l’article complet de la Tribune de Genève, qui précisons-le n’a pas été, à ce jour démenti, la détérioration de l’état de santé d’Abdelaziz Bouteflika ne date pas d’aujourd’hui et les descriptions sont celles d’une personne qui a survécu à un AVC.
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L’information de «l’atteinte systémique à ses réflexes corporels» est une évidente conséquence de l’AVC qui l’a frappé en 2013 et qui l’oblige à demeurer reclus dans la résidence médicalisée de Zéralda. Et finalement, l’unique information supplémentaire de nos confrères helvétiques est que pour le nourrir, on est obligé d’utiliser une sonde nasale. «Il présente de hauts risques de faire des fausses routes, c’est-à-dire que des aliments peuvent être dirigés vers ses voies respiratoires, ce qui peut entrainer une infection pulmonaire grave», précise La Tribune de Genève.
C’est donc un cas classique d’une victime d’AVC de types ischémiques, où on estime que les troubles persistants pendant plus de 6 mois deviendront définitifs et irréversibles.
Ceci ne l’a pas empêché de se porter candidat en avril 2014, une année après son attaque, ni de défier aujourd’hui le bon sens et briguer, de sa villégiature suisse, un 5e mandat.
Sur le plan médical, et comme l’a déclaré son directeur de campagne M. Zaalane, «l’état de santé de Bouteflika ne s’est pas détérioré», du moins pas depuis qu’il a quitté le pays. Alors est-ce que des «contrôles médicaux périodiques» peuvent-elles justifier un si long séjour en Suisse ?
Au vu de la situation du pays, de la description des symptômes cliniques de Bouteflika par la Tribune de Genève puis le démenti d’une dégradation de son état de santé, il apparaît évident que Bouteflika prolonge son séjour à l’étranger en le transformant en villégiature, sans rapport avec des soins vitaux.
La menace de l’article 102
Par contre la pression sur le Conseil constitutionnel s’est accrue pour qu’il déclenche le processus de l’état d’empêchement tel que prévu par l’article 102 de la Constitution.
Cet article, rappelons-le énonce que «lorsque le président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose, à l’unanimité, au Parlement de déclarer l’état d’empêchement.»
Souffrant d’un texte d’application, cet article nécessite, juste pour l’ouverture d’un débat officiel, la mobilisation au minimum de 7 des 12 membres que compte le Conseil constitutionnel. Mais officieusement il suffit juste d’un signe du Président ou du MDN…
Ensuite il faut s’assurer de la bienveillance des 2/3 du Parlement pour qu’ils déclarent l’état d’empêchement du président de la République et charger de l’intérim du Chef de l’Etat, pour une période maximale de 45 jours, le Président du Conseil de la Nation. A l’expiration de ce délai, et en cas de continuation de l’empêchement, il est procédé à une déclaration de vacance par démission de plein droit.
Le Président du Conseil de la Nation assumera alors la charge de Chef de l’Etat pour une durée de 90 jours au maximum, au cours de laquelle des élections présidentielles sont organisées.
Le départ de Abdelaziz Bouteflika, par cette voie, que ni lui ni ses fidèles ne souhaitent, rendrait caduque tout le processus de l’élection prévue le 18 avril. Avec un répit de 135 jours (45+90), de nouvelles élections seront convoquées, et ça sera une première, sans la participation du Président sortant.
La décision du Conseil constitutionnel est donc cruciale. Elle doit intervenir entre le 10 et le 13 mars, selon l’interprétation du délai prévue par l’article 140 de la loi organique relative au régime électoral.
Une échéance qui semble conditionner le retour au pays du Président-candidat, fin tacticien, dont l’urgence absolue est de demeurer maître des horloges.
Larbi Ghazala