Les Algériens se sont réveillés ce mercredi sans, pour beaucoup d’entre eux, réaliser ce qui s’est passé la veille. C’est désormais fait ! Bouteflika n’est plus président de la République depuis le 2 avril 2019. Une date historique pour notre pays. Et comment ne pas l’être quand un peuple uni et déterminé ait pu déloger son président du palais d’El Mouradia après 40 jours de manifestations pacifiques et citoyennes, sans qu’une goute de sang ne soit versée. Une première dans l’histoire du monde arabe. Maintenant que l’ère de Bouteflika est révolue, quid de l’évolution de la situation ? Pour de nombreux observateurs, le plus dur est à venir. Car s’il est vrai qu’aux premiers jours du mouvement populaire, la revendication principale portait sur le refus du 5ème mandat, la donne a changé depuis. Peu à peu en effet, et comme l’appétit vient en mangeant, le peuple algérien s’est rendu compte que le mal de l’Algérie est profond et nécessite un changement radical du système et du régime politiques. « Dégagez tous ».
Tel est désormais la demande des algériennes et des algériens qui investissent la rue par millions depuis le 22 février dernier. De point de vue de constitutionnel, les choses sont claires. La loi fondamentale stipule via son article 102 qu’une fois la démission du chef de l’Etat est notifiée au Conseil constitutionnel, chose faite dans la soirée de mardi 2 avril, ce dernier se réunit et constate la vacance définitive du pouvoir (présidence de la République).
L’institution de Belaiz l’a confirmée ce mercredi et a communiqué ensuite l’acte de déclaration le même jour au Parlement. Et conformément aux dispositions de la Constitution, ce sera le président du Conseil de la nation qui doit assurer la charge de chef de l’Etat pour une durée de 90 jours au maximum, au cours de laquelle des élections présidentielles sont organisées. Et c’est ici que réside le problème dans la mesure où Abdelkader Bensalah est rejeté par le peuple lequel ne veut plus entendre question d’un symbole du régime de Bouteflika pour diriger cette courte période de transition.
Aux yeux des manifestants, l’édification d’une société démocratique et d’un Etat de droit doit être l’apanage de personnalités crédibles et intègres, n’ayant pas d’antécédents avec le système. Présidium ou autres formes collégiales, le peuple est prêt à accepter cette vois pourvu que Bensalah ne soit pas à la tête du pays y compris provisoirement. Idem pour le gouvernement de Bedoui qui est loin de trouver grâce aux yeux des algériens. Ce qui risque sérieusement de ralentir le processus légal et constitutionnel, voir l’annuler tout bonnement lorsqu’on voit la détermination du peuple à faire dégager tout ce qui trait au système. Et pour ce faire, les citoyens comptent sur l’Armée pour exaucer leurs vœux. Le chef d’Etat-major qui a poussé Bouteflika à démissionner a réitéré, rappelons-le, à maintes reprises à être du coté du peuple à travers l’application des articles 7 et 8 de la Constitution qui stipulent que le peuple est la source de tout pouvoir.
Ce qui s’entend que Gaïd Salah sera d’accord à ce que Bensalah ne sera pas l’homme de la transition. Reste à trouver maintenant les mécanismes et voies et moyens pour parvenir à cette solution. A ce propos, des constitutionnalistes semblent avoir trouvé des issues de sorties et appellent à mettre en place une Constitution provisoire composée de quelques articles seulement en vue de dépasser les obligations de l’article 102 de l’actuelle loi fondamentale du pays. Du coup, l’on peut par ce procédé répondre à la volonté populaire, à savoir une instance présidentielle et un gouvernement de consensus ou d’union nationale car si on suit les voies constitutionnelles, Bensalah n’aura pas les prérogatives de limoger ou de nommer le Premier ministre et, par la même, le gouvernement.
Liès Bourouis