Le PDG du Groupe Cevital Issad Rebrab a été placé, dans la nuit de lundi à mardi 23 avril, sous mandat de dépôt par le juge d’instruction du tribunal de Sidi M’hamed à Alger. Selon l’agence officiel APS, les chefs d’accusation sont «fausse déclaration relative aux transferts illicites de capitaux de et vers l’étranger, surfacturation d’équipements importés et importation de matériels d’occasion alors qu’il avait bénéficié d’avantages douaniers, fiscaux et bancaires». Une arrestation qui suscite énormément d’interrogations au vu du tournant décisif que prend l’insurrection populaire qui dure depuis le 22 février. Hier, à travers un Tweet posté dans la matinée, Rebrab expliquait qu’il devait se rendre une nouvelle fois, à la gendarmerie dans le cadre de l’enquête qui se poursuit concernant le blocage des équipements du projet EvCon afin de tenter de résoudre cette affaire». La succession des évènements est partie ensuite à une vitesse vertigineuse. Rebrab est présenté au tribunal en milieu d’après-midi et est mis sous mandat de dépôt durant la nuit.
Genèse de l’affaire EvCon
Dans le cadre du projet d’installation d’une usine de fabrication de membranes à Larbâa, le Group Cevital a importé une presse pour plaques sandwich de type DL 2300 A5, déchargée au port sec de Boudouaou le 09 juillet 2018.
Cevital expliquait alors, à travers un communiqué, que «les services des douanes ont jugé utile de recourir à une expertise judiciaire pour déterminer sa valeur ainsi que son état». C’est ainsi qu’un expert a été désigné, le 08 aout 2018. «Par ignorance de la nature de la machine importée, l’expert en question a confondu notre presse pour plaques sandwich avec une extrudeuse. Cette erreur de taille a faussé l’ensemble de son rapport», avait affirmé le groupe.
Le 03 septembre 2018, le tribunal a désigné un deuxième expert. «A quelques jours de la remise de son rapport, nous avions appris que la douane avait dressé un procès-verbal d’infraction à la législation sur le change en se basant uniquement sur la première expertise erronée et s’est précipitée à le transmettre au Procureur de la République près le tribunal de Boudouaou sans attendre les conclusions du deuxième expert. Ce dernier allait pourtant conclure que l’équipement est d’une technologie unique au monde et que sa valeur déclarée est justifiée, non exagérée et acceptable», affirmait le Groupe Cevital.
Suite à cette deuxième expertise, le Groupe s’est alors rapprochés des services des douanes pour demander l’enlèvement de la marchandise. C’est alors qu’une une troisième expertise a été requise pour trancher définitivement ce litige.
Le 30 septembre 2018, un troisième expert a été désigné par le tribunal de Boudouaou. Il a conclu, comme le deuxième expert, que la valeur de l’équipement en question est justifiée, étant donné que cette presse est «un prototype fabriqué spécialement, spécifiquement et exclusivement pour EvCon Industry, avec une technologie supérieure et des caractéristiques techniques complètement inédites, dont ne dispose aucune autre machine au monde».
Fort de cette troisième expertise, le groupe de Rebrab a de nouveau sollicité l’enlèvement de la presse. «Le Directeur Régional des douanes de Dar El Beida nous a alors exprimé sa disposition à nous restituer l’équipement dès que la justice aura rendu une décision dans ce sens. Il nous a, par ailleurs, assuré que le procès-verbal d’infraction transmis au Procureur de la République serait alors classé sans suite. Ces mêmes engagements ont été également pris par le Receveur des douanes de Boumerdes», affirmait le groupe.
La valse des expertises….
Cette décision réclamée par les douanes a été rendue le 27 novembre 2018 par le tribunal de Boudouaou, qui a ordonné à l’administration des douanes de Boumerdès par une formule exécutoire, la libération immédiate et sans conditions de l’équipement, sachant qu’il risque, comme l’atteste le fabriquant, de sérieux dommages en cas d’une exposition prolongée aux intempéries. Le receveur a refusé d’exécuter ce jugement et a introduit une demande d’arrêt d’exécution. Demande qui sera rejetée par le tribunal le 13 décembre 2018, confirmant ainsi la décision de justice exécutoire rendue auparavant.
«Le même jour, nous nous sommes présentés avec cette nouvelle décision de justice aux services des douanes de Boumerdès. Ces derniers se sont dits prêts à l’appliquer et nous ont donné rendez-vous pour le dimanche 16 décembre 2018 pour l’enlèvement de notre marchandise», avait regretté le groupe. Et de poursuivre, «Dimanche, 16 décembre 2018, nous nous sommes présentés au port sec de Boudouaou pour procéder aux formalités d’enlèvement de notre presse. Contre toute attente, les services des douanes sur place nous ont signifié l’impossibilité d’exécuter le jugement en raison d’une décision de rétention du matériel qui venait d’être transmise par le juge d’instruction près le tribunal de Boudouaou».
Une procédure enclenchée «sur la base du procès-verbal d’infraction à la législation sur le change établi suite à une première expertise superficielle, imprécise et réalisée sans consultation par l’expert de la fiche technique de la machine». C’est ce que confirme le tribunal de Boudouaou qui a écarté dans son jugement exécutoire du 27 novembre 2018 cette expertise et n’a retenu que les deux contre-expertises favorables à EvCon Idustries et réalisées bien avant la décision du juge d’instruction du 16 décembre 2018 de rétention de la machine. C’est justement pour clarifier davantage cette situation que Issad Rebrab est convoqué par la section de recherche de de la brigade de gendarmerie nationale avant de fini à la prison d’El Harrach. Au moment où l’opinion public s’attendait à un dénouement, l’affaire se corse encore plus…
Ines Amroude