Les opérateurs exerçant une activité de montage automobile ont été destinataires, Mercredi 22 mai 2019, d’une lettre du Ministère de l’Industrie et des Mines, plafonnant, de façon unilatérale et rétroactive, leurs importations de collections SKD destinées à la production et au montage de véhicules de tourisme pour l’année 2019.
Cette décision vient mettre en œuvre les déclarations du Ministre du Commerce, Said Djellab qui avait annoncé en début de ce mois que «la première mesure à prendre c’est d’aller coûte que coûte vers une diminution sensible des importations de kits SKD/CKD dans l’attente d’autres mesures».
Toutefois, d’aucun s’interroge sur la crédibilité de cette lettre, signée par l’ancien secrétaire général du Ministère de l’Industrie, Belkacem Ziani, remplacé quelques jours plus tard, a une quelconque valeur légale, sans qu’elle ne se repose sur aucun ancrage juridique existant.
En effet, l’activité de production automobile est règlementée depuis le 28 novembre 2017 par un cahier des charges annexé au Décret exécutif n° 17-344. De plus, tous les projets en activité ont obtenu l’accord préalable du Conseil National de l’Investissement, que leur garantit un plan de production correspondant à des volumes clairement définis dans leurs business plans. Un simple courrier émanant de l’Industrie pourrait-il remettre en cause ces acquis?
Enfin, le Ministère de l’Industrie a-t-il pour prérogative de définir unilatéralement le montant du plafonnement et sur quelle base le fait-il ? Encore une fois, il aurait fallu une base juridique pour que les « quotas » soient définis de façon transparente.
A l’heure où des responsables politiques passent devant la justice pour justifier des avantages octroyés aux différents opérateurs lors des vingt dernières années, le Gouvernement Bedoui peut-il se permettre de distribuer des quotas sans base légale et dans l’opacité la plus totale ? il y’a lieu de se demander pourquoi le Gouvernement Bedoui s’attaque à la production automobile, au moment où celle-ci négocie le tournant de la sous-traitance et de l’exportation.
En effet, le cahier des charges de 2017 donne la part belle à l’exportation de composants automobiles produits localement dans la formule de calcul du taux d’intégration locale. Dès 2020, tous les opérateurs devront obligatoirement commencer à exporter de la pièce vers les Constructeurs pour espérer atteindre le taux d’intégration requis. Plus un opérateur importera de kits SKD, plus il devra exporter de pièces et composants. Plafonner l’importation de kits SKD revient donc à limiter l’exportation.
La décision de Bedoui
La décision de Bedoui met, par conséquent, en danger l’ensemble de la filière, qui a besoin de ces volumes pour se développer. La question qui se pose est de savoir quel investisseur étranger acceptera de produire sa pièce en Algérie dans tel climat d’instabilité juridique changeant chaque année ? Pour rappel, en juin dernier le Gouvernement parlait déjà de revenir sur les exonérations de TVA dont bénéficient les opérateurs. Bien que le Gouvernement ait finalement fait marche arrière, c’est la crédibilité de l’Algérie qui en a pris un coup.
En dépit de l’aspect économique, cette décision a des conséquences directes sur le consommateur en premier lieu et sur l’emploi en 2e lieu. Comme indiqué dans l’analyse Largus, les véhicules d’occasions de moins de 3 ans seront chers et ne seront pas concurrentielles aux véhicules produits en Algérie. Aussi, les prix vont enregistrés une flambée chez les constructeurs car l’offre étant limitée et la rentabilité des usines est remise en cause. Cette décision prise à la hâte et sans consultations aucune, aura également comme conséquence directe la mise en chômage technique des milliers de travailleurs des différentes usines dès la consommation des quotas, la perte du savoir faire acquis durant ces deux dernières années et la pertes des centaines d’heures de formations comptabilisées dans le cadre du transfert de savoir faire et donc d’une main d’œuvre qualifiée. Ainsi, l’avenir de ces usines dans le cas ou de nouveaux quotas ne seront fixés qu’en 2020, sera dans l’opacité totale.
Mis devant le fait accompli, les concessionnaires sont obligés, comme l’indique le cahier de charge, de faire 30% d’intégration de pièce à partir de 2020. Cependant cette instabilité juridique remet en cause tous les projets mis en place car l’investissement dans la pièce de rechange ne peut pas se faire si la production est limitée et si les objectifs de production n’évoluent pas en quantité. Aussi, les concessionnaires qui ont des projets d’exportation de la Pièce de première monte vers le constructeur, comme c’est le cas de Sovac Algérie, risquent de ne plus voir ces projets concrétiser. Le constructeur allemand ne pourra plus faire confiance à l’Algérie et il ne peut pas risquer d’acheter de la pièce de première monte pour alimenter ses usines, si la stabilité juridique n’existe pas. Et c’est le cas d tous les autres concessionnaires.
Racim Elyam