C’est connu de tous. En politique tout comme en affaire, il n’y a jamais eu de morale. Toutefois, ce qui se passe aujourd’hui en Algérie dépasse toute considération. L’échiquier politique est complètement embourbé par des pions «fou» qui s’agitent dans tous les sens. Pis encore, il a fallu que la rue se lève pour que soient mises à nu des pratiques bien curieuses. On savait qu’elles existaient mais pas de manière aussi ostentatoire. Nos hommes politiques sont-ils devenus, à ce point, grotesques ? Nous sommes tentés de répondre par l’affirmatif au vu des hallucinants développements des discours des hommes politiques auxquels on assiste ces jours-ci. Des pratiques bien curieuses fonctionnant de plus en plus ouvertement sur la ruse, le mensonge et l’illusion voient le jour.
Des hommes politiques qui, il y a un mois à peine, soutenaient corps et âme la candidature de Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat, s’affichent aujourd’hui sur la scène médiatique qui pour reconnaître une «erreur de vision», qui pour se joindre carrément au mouvement populaire et soutenir les revendications du peuple. Ces hommes ont pourtant prêté allégeance dans un passé très récent, au président Bouteflika et font partie de ce régime tant dénoncé par la rue, se joignent aujourd’hui à cette colère et demandent le départ du régime. Et par conséquent, leur propre départ.
L’ex-premier ministre Ahmed Ouyahia , il y’a pas si longtemps, jurait par tous les saints que toute manifestation à Alger sera réprimée par les forces de l’ordre car les «Algériens ne savent pas marcher sans faire de dégâts matériels et humains». Maintenant, il salue, tout bonnement, «la voix de la fronde populaire» .
Mieux encore, le patron du RND qui a soutenu Bouteflika pour les quatre mandats précédents et qui était sur le point de soutenir sa tentative avortée de candidature pour un cinquième, affirme qu’il est «impératif de répondre dans les plus brefs délais aux revendications de Algériens qui demandent le départ du pouvoir».
Même revirement de situation du côté du FLN. Mouad Bouchareb, parvenu à la tête du FLN, grâce aux performances des … cadenas, se joint aussi à cette «nouvelle mode» de retournement de veste. Le coordinateur de l’instance dirigeante du plus vieux parti affirme qu’il «soutient pleinement le mouvement populaire de contestation », tout en estimant impératif de «s’assoir autour d’une même table pour dialoguer et édifier une nouvelle Algérie». Bouchareb criait pourtant à qui voulait l’entendre que la candidature de Bouteflika pour un 5e mandat est une revendication de tous les citoyens à travers le territoire national».
Après lui, Ouyahia avait fait mieux sinon aussi bien en affirmant que le «peuple algérien est très content de l’annonce de la candidature du président». La réponse de cette «joie du peuple» proclamée par ces deux personnages n’a pas tardé à leur exploser en plein figure, les rappelant à la réalité.
Des millions de citoyens descendent dans la rue depuis maintenant un mois pour dire non au 5e mandat d’abord, puis au prolongement du 4e mandat, ainsi que pour revendiquer le départ de l’actuel régime au complet.
C’est dire que, dorénavant, il faudra réfléchir à deux fois avant de parler en lieu et place des autres !
Sihem Henine