L’ONS classe les chômeurs dans deux catégories : ceux qui répondent aux critères du Bureau International du Travail (BIT) et les autres.
L’addition des deux catégories donne un effectif de 3,099 millions dont 2,027 millions de demandeurs d’emplois et de chômeurs découragés.
L’ONS prouve, par les chiffres, l’inadéquation de la formation par rapport au marché du travail, tout en mettant la lumière sur le taux élevé du chômage des jeunes, et la baisse du taux d’emploi.
Le taux réel du chômage en Algérie a atteint, en septembre 2018, 15,5 % contre 11,7% au sens du BIT. La population en chômage plus celle qui souhaite travailler mais non comptabilisée est de 2,027 millions de personnes contre seulement 1,462 million au sens du BIT.
La population active du moment est en outre de 13,028 millions de personnes contre 12,463 millions au sens du BIT, soit une différence de 565 000 personnes.
Le bulletin Activité, emploi et chômage (septembre 2018) de l’ONS* rendu public le 5 février dernier, fournit de riches indications sur cette population (âgée de 16-59 ans) non comptabilisée de 1,637 million de personnes, classée dans une catégorie à part : «Halo du chômage».
Cette population ne remplissant pas les 3 critères à la fois de la définition du BIT : «être sans travail, être disponible pour travailler et rechercher activement un emploi», l’ONS l’exclut du calcul de la population active du moment et de la population en chômage.
A la lecture du tableau (n°16) de cette catégorie (population âgée de 16-59 ans, n’ayant pas cherché un emploi en septembre 2018, mais disponible à travailler), il ressort que l’ONS a retenu 10 raisons de «non recherche d’emploi» au cours du mois de référence de l’enquête en septembre 2018.
La première catégorie est estimée par l’ONS à 1,073 million de personnes et compte comme raisons : «suit un enseignement/formation» (283 000), «a pris sa retraite» (101 000), «à cause d’un handicap majeur/raisons de santé» (78 000), «raisons familiales» (432 000), «dispose d’une pension» (21 000), «ne veut pas travailler» (70 000) et «autre» (87 000).
La deuxième catégorie compte 565 000 personnes ayant avancé comme raisons : «pense qu’il n’y a pas d’emploi» (307 000), «attend les résultats des démarches effectuées» (85 000) et «n’a pas réussi à trouver un emploi dans le passé» (173 000).
Dans le même tableau, l’ONS avance que 476 000 de cette population de 1,637 million de personnes était en recherche d’emploi avant le mois de référence de l’enquête (septembre 2018).
Nous pouvons donc considérer que cette deuxième catégorie de chômeurs découragés a légitimement sa place parmi la population active du moment (12 463 000 + 565 000 = 13 028 000) et doit être pris en considération dans le calcul de la population en chômage qui atteint réellement 2 027 000 personnes (1 462 000 + 565 000).
Le taux recalculé de la population en chômage en Algérie atteint alors pour septembre 2018 les 15,55 % (2 027 000 /13 028 000). Ce taux est similaire à celui de la Tunisie (15,5%) mais supérieure à celui du Maroc (10%).
Un taux d’emploi faible et en baisse
L’ONS fournit en outre un autre indicateur, le taux d’emploi, plus scientifique, que recommande l’OCDE, plutôt que le taux de chômage pour juger de l’efficacité du marché du travail et des politiques de l’emploi.
Le taux d’emploi est la proportion de personnes disposant d’un emploi parmi celles en âge de travailler (15 à 60 ans et +).
Le taux d’emploi reflète aussi la capacité d’une économie à utiliser ses ressources en main-d’œuvre. Selon l’ONS, ce taux d’emploi n’est en Algérie que de 36,8 % contre 41,7% au Maroc et 43,15 % en Afrique du Sud.
La moyenne des pays de l’OCDE est légèrement inférieure à celle de l’UE (68,46% contre 68,69%). Le taux d’emploi le plus élevé du monde est enregistré en Islande avec 85,33 % de la population en âge de travailler.
Si l’Algérie compte seulement 36,8 % de la population en âge de travailler comme occupée, il est certain qu’aucun système de retraite ne puisse tenir. Car ce sont essentiellement les cotisations des actifs qui sont supposées payer les retraites. En 2019, le gouvernement prévoit même un déficit de près de 600 milliards de dinars qu’il prévoit de financer par un emprunt auprès du FNI.
Le secteur non productif premier employeur
L’étude du tableau n°3 (population occupée selon le secteur d’activité) montre que le secteur non productif (Administration publique, santé et action sociale) est le premier employeur en Algérie avec 3,323 millions de postes, soit 30,2 % de la population occupée ! L’industrie (extractive et manufacturière) n’emploi que 1,43 million personnes soit un taux de 13 % contre 16,1% pour le commerce qui emploi 1,774 million de personnes.
Inadéquation avec le marché du travail
L’inadéquation de la formation professionnelle ainsi que l’enseignement supérieur avec le marché du travail est mise en évidence dans le tableau n°10 (population en chômage selon le niveau d’instruction et diplôme obtenu).
Parmi la population en chômage (base 1 462 000), 27,9 % sont des diplômés de l’enseignement supérieur dont 56,5 % de femmes !
Des diplômés de la formation professionnelle (386 000) censée coller à la demande du marché, représentent tout de même 26,4 % de la population en chômage.
Le même tableau indique que les demandeurs n’ayant aucun diplôme représentent 45,7 % dont 58 % d’hommes.
Le tableau n°11 (chômeurs selon démarches effectuées pour chercher un emploi) montre que le dispositif de l’ANEM n’est pas attractif puisque seulement 59 % des demandeurs s’inscrivent auprès d’un bureau de main-d’œuvre contre 83,7% préférant solliciter les relations personnelles ou 67,1% démarcher directement les entreprises.
L’auto-entreprenariat (ANSEJ/CNAC) n’est pas une alternative pour la majorité des demandeurs qui ne sont que 25,4% à rechercher des moyens pour s’installer à leur compte.
Les données de l’ONS indiquent que la proportion des jeunes chômeurs sur le total des chômeurs est très inquiétante avec un 34,3%.
En outre, la déperdition scolaire reste élevée ; le pourcentage des jeunes 15-24 ans ni dans l’emploi ni scolarisés est de 28,3 %
Echec des politiques menées de 2008 à 2018
Le tableau 17 de l’ONS fournit de précieuses données sur le marché du travail de 2008 à 2018 où l’ont apprends que la population occupée du moment n’a augmenté que de près de 2 millions en 10 ans (11,011 millions en 2018 contre 9,145 millions en 2008).
Le taux d’emploi n’a pas augmenté en dix ans, il a légèrement baissé passant de 37 % à 36,8 %.
Le nombre de chômeurs augmente d’année en année, et la population en chômage est passé de 1,17 millions en 2008 à 1,462 millions en 2018 (hors Halo). Quant au taux de chômage (non retraité avec le Halo chômage), il a résisté à toutes les promesses et les fonds alloués par les gouvernements successifs depuis 2008. En septembre 2018, le taux de chômage a été de 11,7% (taux réel : 15,5 %) contre 11,3 % en 2008 !
Le taux de chômage des 16-24 ans est passé de 23,8 %à 29,1%, celui des femmes a augmenté, passant de 17,4% à 19,4%.
Enfin, l’évolution des principaux agrégats du marché du travail entre 2008 et 2018 révèle, sans surprise, la mutation du marché du travail en Algérie avec une baisse des effectifs du secteur de l’Agriculture (-200 000) et une forte hausse du secteur des Services (+1,6 million).
Les données de l’ONS sont une mine d’informations et des outils indispensables à la prise de décision. Hélas, notre classe politique, surtout de «l’opposition» préfère s’en passer au risque de perpétuer de fausses solutions pour une vraie et durable crise.
Larbi Ghazala
* http://www.ons.dz/IMG/emploiseptembre2018.pdf