Chaud, chaud ! Le 31ème vendredi de la contestation populaire a été scrutée, surveillée et observée de prés. Et pour cause, la dernière sommation du général de Corps d’Armée, Gaid Salah, qui semble avoir définitivement musclé la gestion des marches populaires et pacifiques que connait l’Algérie depuis le 22 février dernier, faisait craindre le pire.
Finalement, et ne dérogeant pas à la règle, la marche s’est déroulée globalement dans le calme et la bonne ambiance, sans incidents majeurs, excepté des arrestations commisses par la police, notamment dans la matinée, empêchant tout rassemblement. Et pourtant, à voir le dispositif policier de plus en plus impressionnant mis en place, d’aucuns appréhendaient sérieusement cette énième défiance du peuple qui ne donne pas l’impression de vouloir reculer jusqu’à la satisfaction des revendications qu’il exprime depuis le 22 février. Encore moins avec la mesure prise, mercredi dernier, par le chef d’Etat-major de l’ANP qui a révélé, depuis Tamanrasset où il se trouvait pour une visite d’inspection en 6ème Région militaire, avoir donné des instructions à la gendarmerie nationale afin « d’interpeller » et de « saisir » les véhicules et autres autocars transportant des citoyens vers la capitale en vue de manifester contre le pouvoir, comme ils le font chaque vendredi, allant même jusqu’à « imposer » des amendes à leurs propriétaires.
Chose qui s’est vérifiée dés la veille, soit jeudi ainsi que dans la matinée de ce vendredi. Les accès de la wilaya d’Alger ont été sérieusement filtrés par un important dispositif sécuritaire mis en place par la gendarmerie nationale sur les axes autoroutiers. Des véhicules immatriculés en dehors d’Alger et des bus ont été immobilisées avant de pénétrer dans la capitale.
Les accès de la wilaya d’Alger filtrés depuis jeudi
Pour le Vice-ministre de la Défense nationale, le recours à cette décision devenait nécessaire pour le bien de la nation et a pour objectif de « préserver » le pays de toute dérive et de démasquer ce qu’il qualifie de « fauteurs de troubles » et de « meneurs » qui tentent, selon lui, de semer la zizanie, laissant entendre en filigrane qu’il ne vise pas forcément les milliers de manifestants qui marchent chaque vendredi. Auquel cas, il aurait carrément interdit les marches. « Nous avons constaté sur le terrain que certaines parties, parmi les relais de la bande, aux intentions malveillantes, font de la liberté de déplacement un prétexte, pour justifier leur dangereux comportement, qui consiste à créer tous les facteurs qui perturbent la quiétude des citoyens, en drainant chaque semaine des citoyens issus de différentes wilayas du pays vers la capitale, afin d’amplifier les flux humains, dans les places publiques, avec des slogans tendancieux qui n’ont rien d’innocent que ces parties revendiquent », a-t-il justifié cette mesure que d’aucuns jugent « d’extrême » et pouvant, surtout, amener à une escalade dangereuse. Fort heureusement que les prédictions des plus pessimistes ne se sont pas traduites sur le terrain, que ce soit dans la capitale où un « tsunami » humain s’est abattu après la prière de vendredi dans les principales artère du centre-ville, ou à Jijel, Bordj Bou Arreridj, Bejaia, Bouira, Blida, Tizi-Ouzou, Batna, Oran, Oum El Bouaghi et autre Constantine.
Une marée humaine dans la capitale
En voulant empêcher les citoyens de rejoindre la capitale dans le but d’affaiblir la manifestation, l’institution militaire a sans doute vu faux et eu l’effet boomerang dans la mesure où le nombre des manifestants a triplé à Alger par rapport aux derniers vendredis qui, période estivale oblige, ont connu un net essoufflement. Avec le filtrage des entrées de la capitale, le pouvoir croyait que l’ampleur des manifestations prendra un sérieux coup et qu’il allait museler définitivement les voix qui s’opposent à la tenue des élections. Mais c’était sans compter sur la mobilisation des algérois qui rappellent qu’ils ont été tout le temps dans les premières lignes lorsqu’il s’agissait de s’opposer aux régimes qui ont dirigé l’Algérie, à l’exemple des manifestations du 5 octobre 1988. A méditer.
Liès Bourouis