L’âge de sa flotte, un effectif pléthorique et un environnement contraignant sont les trois facteurs majeurs qui plombent les résultats et les performances de la compagnie publique Air Algérie, selon les données fournies par son P-DG M. Bakhouche Allèche dans un entretien publié hier par l’agence APS.
La première contrainte est sans surprise structurelle et concerne l’âge moyen de la flotte. Certes, et globalement, Air Algérie est dans la moyenne (11,6 ans), mais à y regarder de plus près, on s’aperçoit que près de 51 % des 55 appareils ont un âge compris entre 14 et 19 ans !
Cette situation fait que la maintenance et le carburant sont les deux premiers postes de charges. Et le coût de maintenance, en devises, ainsi que les fréquents délais d’immobilisation des 25 appareils ayant dépassé les 14 ans d’âge, pèsent lourdement sur le résultat d’exploitation. La ponctualité et l’image de de la compagnie en sont les victimes collatérales.
Deuxième conséquence de l’âge avancé de la flotte d’Air Algérie : ses appareils consomment entre 8 et 20 % de plus que les avions de nouvelle génération des concurrents les plus menaçants.
A titre d’exemple, et avant même de voler, un avion d’Air Algérie est flanqué d’un handicap de jusqu’à 20 % par rapport à un avion de nouvelle génération dont l’âge moyen de la flotte est de seulement 6 ans.
Bien identifiée par le management de la compagnie depuis au moins 5 ans, la problématique est au cœur de la «stratégie» d’Air Algérie qui affichait en 2016 une démesurable ambition d’atteindre une flotte de 100 appareils à l’horizon 2025 par l’acquisition de 40 appareils entre 2018 et 2025. Bien entendu il n’en fut rien !
Affichant une capacité d’endettement nulle et l’effritement du soutien du Trésor, Air Algérie devrait se contenter d’un modeste plan d’acquisition de seulement 9 appareils. L’appel d’offre aurait dû être lancé depuis le début de l’année, mais l’instabilité du pays a fait geler toute prise de décision.
Mais entre-temps Air Algérie a pu lancer, sur fonds propres, un plan de modernisation des cabines d’une dizaine de ses appareils, dont les premiers exemplaires sont déjà en exploitation.
Plus de confort et bonne ambiance sont les résultats de cette modernisation avec de nouveaux sièges – plus légers- de nouvelles moquettes, de nouveaux coffres à bagages, un éclairage apaisant…
Deuxième contrainte qui pèse sur les résultats : l’effectif pléthorique.
Sur ce sujet, le management d’Air Algérie avait misé sur le contournement du problème par la constitution d’un mastodonte exploitant une centaine d’appareils. Avec 100 avions, s’imaginait le management, l’effectif ne serait plus un problème puisque le ratio de 100 employés par appareil ferait même d’Air Algérie un exemple…
Cinq années se sont écoulées sans qu’Air Algérie ne puisse réaliser le quart de ses ambitions, alors que la problématique de l’effectif reste intacte.
Dans l’interview qu‘il a accordé à l’APS, M. Allèche bien que reconnaissant qu’Air Algérie souffre d’un sureffectif, n’annonce toutefois aucun plan social. Juste le «non remplacement de certains départs en retraite», dont l’impact serait quasi nul sur la réduction de la masse salariale.
Troisième contrainte qui impact la performance d’Air Algérie : l’environnement de la compagnie.
En plus de l’intervention du gouvernement qui impose l’exploitation de lignes non rentables (en Algérie et en Afrique), M. Allèche déplore le manque de soutien des intervenants institutionnels dans nos aéroports.
Interrogé par l’APS sur le Hub de la nouvelle aérogare internationale d’Alger, toujours pas opérationnel alors qu’il est l’axe majeure de «la stratégie de conquête de l’Afrique», M. Allèche révèle que la PAF, la Douane et l’EGSA ne sont pas encore prêts…
Par ailleurs, et sans en dévoiler les résultats nets de la compagnie, M. Allèche a révélé que le chiffre d’affaire de 2018 a atteint 102 milliards de dinars (850 millions de dollars) contre 91 milliards de dinars (758 millions de dollars) en 2017, soit une évolution de 12 %.
Pour les 7 premiers mois de 2019, le chiffre d’affaire a atteint 53 milliards de dinars (441 millions de dollars) soit 52 % du chiffre d’affaire de toute l’année 2018.
En outre, nous attendons avec impatience les résultats du trafic passagers pour le second semestre 2019 afin de mesurer la capacité d’Air Algérie à capter de nouveaux passagers après l’arrêt d’Aigle Azur.
S’agissant du projet d’une ligne entre Alger et New York, M. Allèche confirme l’intérêt de sa compagnie en révélant que sa concrétisation relève des autorisations des autorités étasuniennes. L’audit de la Direction de l’aviation civile algérienne qui vient de changer de statut, en serait la clef.
Soulignons enfin que l’entretien publié par l’APS sous formes de 4 articles n’a pas évoqué le cas de l’autre compagnie publique Tassili Airlines que compte le pavillon national. La digitalisation, la création d’une filiale low-cost par Air Algérie ou l’ouverture du ciel algérien aux investisseurs de droit algérien n’ont également pas été abordés.
Larbi Ghazala