22 février 2019 – 22 mars 2019. Un mois et cinq vendredis plus tard, la mobilisation du peuple algérien est restée intacte. Mieux, elle accroît au fil des semaines pour exiger le départ du régime, incarné par Bouteflika, et le changement radical du système.
Et si le pouvoir a misé sur l’essoufflement de ce mouvement populaire pacifique et sans précédent, il a assurément vu tout faux. Ses plans sont, encore un fois, sérieusement contrariés si on se fie à la formidable déferlante humaine qui s’est abattue sur tout le territoire national en dépit de la pluie et du froid qui ont marqué ce 5ème vendredi de la marche vers la liberté !
A Alger, les premiers rassemblements ont été observés dés le matin, vers 10H. De la place du 1er Mai à la Grande-poste, jusqu’à la placette Audin, le cœur de la capitale a vibré avec les manifestations qui ont pris de l’ampleur juste après la fin de la prière de Vendredi et de la …pluie aussi. Comme un signe de la Providence.
Les rues sont sans surprise saturées et pleines comme un œuf. Drapés de l’emblème national, femmes, hommes et enfants et même des personnes âgées sont bloqués tellement les artères sont devenues trop exiguës pour pouvoir contenir cette impressionnante marée humaine. Toutes les catégories de la société sont représentées, ce qui n’est plus désormais une surprise. Et comme lors des précédentes manifestations, celle de 22 mars n’a pas dérogé à la règle. Pacifisme, citoyenneté, joie, solidarité et générosité ont été les maîtres mots d’un peuple tout en symbiose. En fête surtout. Pour illustrer cette caricature, des manifestants se prennent en photos avec les forces anti-émeutes, tous ravis et contents de cette proximité, sous les stridents ‘‘Châab chorta, khawa khawa’’ (peuple et policiers frères) et les bruits assourdissants des ‘‘Vuvuzela’’. Une fête que tout le monde espère encore grandiose le jour de la victoire. Mais ce jour, si proche, si loin, ne semble pas encore venir dans la mesure où le pouvoir, toujours en déphasage avec son peuple, reste têtu, obstiné, ne voulant pas voir les citoyens droits dans les yeux.
Qu’à cela ne tienne, les Algériennes et les Algériens restent déterminés eux aussi et assurent ne pas lâcher prise. D’ailleurs, ça se voit à travers les formidables messages qu’ils exhibent chaque vendredi dans pancartes, outre les traditionnels slogans anti-pouvoir que tout le monde a appris par cœur. Aux ‘’Non au prolongement du mandat de Bouteflika’’, ‘‘Non à la feuille de route du président’’ et ‘‘Pouvoir assassin’’ se venus se greffer de nouveaux cris, aussi rageurs et significatifs. Le FLN est incontestablement celui qui en a pris le plus pour son grade. Ceci s’explique par la dernière sortie du chef de l’instance dirigeante du l’ex-parti unique, Moad Bouchareb, qui a annoncé le ralliement du FLN au mouvement de contestation qui réclame le départ de Bouteflika alors quelques semaines auparavant, il n’hésitait pas à comparer le président de la République à un prophète envoyé par Dieu ! Raillé et tourné en dérision, le front de libération national est invité plus que jamais à prendre le chemin du Musée. Le RND d’Ouayhia ainsi que ce dernier ne sont pas épargnés également, de même que Bedoui, Lamamra et Lakhdar Brahimi, soit les symboles d’un régime balbutiant, du moins dans l’apparence.
Même si quelques heurts ont été signalés au début d’après-midi, du coté de Telemly, sans gravité fort heureusement, lorsque les forces anti-émeutes ont repoussé à coups de bombes lacrymogènes et canons à eau des manifestants qui voulaient marcher sur la présidence de la République, sise à El Mouradia, la manifestation s’est terminée, comme elle a commencé, c’est à dire dans le la joie et la fête, dans une ambiance de folie marquée par les youyous et les klaxons des véhicules quand des jeunes s’attèlent à nettoyer les lieux.. Comme pour dire à vendredi prochain, jusqu’à la victoire finale.
Liès Bourouis