Intentionnellement ou pas, les manifestations organisées, hier, à travers le territoire national pour dire non au 5èmemandat d’Abdelaziz Bouteflika et revendiquer des changements, ont fait rentrer l’Algérie dans une nouvelle ère. Désormais, le peuple passe de statut de suiveur à celui de leader et devient une donne incontournable dans toutes les décisions qui seront prises à l’avenir. Les erreurs ne seront plus tolérées. Il faut dire que ces marches avaient la particularité d’être organisées par …. des appels anonymes sur les réseaux sociaux. C’est là, toute la particularité.
La réponse massive à ce mouvement démontre à quel point la classe politique a perdu de sa crédibilité et de son aptitude à rassembler les masses populaires. «L’appel aurait émané d’un quelconque parti politique, le répondant n’aurait jamais été aussi fort», parient des observateurs chevronnés de la scène politique nationale.
Il faut dire que les réseaux sociaux ont joué un rôle incontournable. La toile en général et Facebook en particulier étaient utilisés par le mouvement comme vitrine de la parole du peuple. Ce même peuple qui, faut-il le soulever, a fait preuve d’une maturité inégalée à travers de petits gestes qui ont fait toute la distinction. «C’est la première fois, depuis plusieurs années qu’on voit une véritable marche à Alger», témoigne un sexagénaire sur place. La majorité des présents à cette manifestation craignaient le dérapage, qui aurait été très facile puisqu’il suffisait d’un petit incident pour que tout dégénère. Rien de tel. Bien au contraire. En dépit de quelques actes de vandalismes signalés çà et là, les citoyens ont démontré à quel point leur seul volonté était d’aller vers un changement et non pas de plonger leur pays dans un avenir incertain. Des bouteilles d’eau étaient gracieusement distribuées aux manifestants par les commerçants.
A l’issue de la marche, plusieurs citoyens munis de sachet et autres moyens, se sont attelés à nettoyer les rues de la capitale des déchets qui jonchaient le sol. A la tête de l’Etat depuis 1999, Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, a annoncé après des mois de suspens son intentions de briguer un 5ème mandat en annonçant le 10 février dans une lettre-programme à la Nation son intention de se porter candidat à la prochaine présidentielle prévue le 18 avril. Bouteflika a subi un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2013 qui non seulement a affecté sa mobilité mais aussi limité ses activités de Chef de l’Etat. D’ailleurs, ses sorties publiques se sont raréfiées les dernières années. Demain dimanche 24 février, il devra encore se rendre à Genève pour y « effectuer ses contrôles médicaux périodiques », selon un communiqué de la présidence. Reste à savoir ce que diront ses médecins traitant à propos de cette candidature désormais fortement controversée. Le peuple n’a pas attendu les urnes, il a exprimé sa voix bien avant les élections.
Sihem Henine