Qui arrêtera le peuple algérien dans sa quête de liberté et du changement radical du système politique en place ? Sans doute pas les tentatives d’intimidation exercée lors de ce 14ème vendredi de la mobilisation citoyenne pacifique contre le pouvoir en place, trois mois après le début du mouvement populaire, le 22 février dernier.
Un pouvoir qui a essayé par tous les moyens, du moins à Alger, d’empêcher les citoyens de se retrouver comme chaque vendredi pour exprimer en toute démocratie et dans la bonne ambiance leur rejet total des résidus du régime de Bouteflika, symbolisés par le chef d’Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, et le Premier ministre, Noureddine Bedoui.
En effet, et dès la matinée, un dispositif policier impressionnant a été mis en place, sans doute le plus important depuis le début des manifestations. Tous les accès menant au centre-ville ont été bouclés, empêchant même les riverains de se déplacer. Pis, on déplore plusieurs arrestations opérées parmi les manifestants, pourtant pacifiques, mais aussi la limitation de certains espaces publics connus pour être des places fortes de la contestation, à l’instar de la Grande poste d’Alger dont le parvis a été fermé pour travaux ou encore le désormais célèbre ‘‘Palais du peuple’’ de Bordj Bou Arreridj, fermé pour les mêmes raisons. Des pratiques dans lesquels les citoyens y voient une manière de violations des libertés démocratiques et de rassemblements.
Mais ceci est loin de décourager les manifestants ou d’essouffler le mouvement, bien au contraire. La mobilisation reste intacte, malgré Ramadhan, la chaleur et la répression. Pour preuve, ce sont encore une fois des millions de citoyens qui ont investi la rue dans la quasi-majorité des wilayas du pays, en attendant ceux du sud qui, pour ce mois sacré, battent le pavé après la rupture du jeûne, dans la soirée, en raison de la chaleur qui y sévit. A coups de slogans, de chants et de ‘’tifos’’ admirablement conçus, les manifestants rejettent à l’unanimité les élections présidentielles du 4 juillet et s’en prennent ouvertement au chef d’Etat-major de l’ANP. C’est le cas à Alger où les manifestants ont répondu à son dernier discours dans lequel, il insiste toujours sur la voie constitutionnelle et la tenue du scrutin dans son rendez-vous initial, en dépit du rejet du peuple de cette option. Il semble bien que les poursuites judiciaires lancées contre de nombreux responsables politiques et autres hommes d’affaires n’ont pas réussi à calmer les ardeurs du peuple qui exige avant tout un changement «réel» du régime et du système politique.
Place des Martyrs, nouvelle place forte de la constatation ?
Comparativement à la semaine passée, le nombre des manifestants a clairement augmenté.
Les artères du centre-ville, allant de la place du 1er mai à la Grande-poste, en passant par la rue Hassiba Ben Bouali et le boulevard Amirouche, jusqu’à la placette Audin et la rue Didouche Mourad étaient, moins d’une demi-heure après la prière de vendredi, noires du monde. L’ambiance est familiale. On chante, on rit, parfois on s’énerve mais les mots d’ordre sont les mêmes. ‘‘Un Etat civil, non militaire’’, ‘‘Makanche intikhabbate m3a el îssabate’’ (Pas d’élections avec la bande de maffia) ou encore ‘‘Djeich chaâb khawa khawa’’ ont à ce sujet longtemps fusé lors de la manif’.
Cependant, et après la fermeture, pour travaux, semble-t-il, du parvis de la Grande-poste, la nouveauté observée dans ce 14ème vendredi consécutif à Alger est incontestablement la décision prise par les manifestants d’investir la place des Martyrs où ils ont donné libre cours à leur protesta’. Sera-t-elle à l’avenir une autre place forte de la contestation ? On aura sans doute un premier élément de réponse mardi prochain, à l’occasion de la traditionnelle marche des étudiants.
Liès Bourouis